Jeunesse et bonne gouvernance : « La nouvelle stratégie nationale de la jeunesse pourrait contribuer et je le pense, à l’ancrage des communautés dans leur territoire et favorise l’émergence des jeunes par le renforcement des capacités en participant au développement du potentiel humain, l’esprit d’entreprise et la projection économique dans un univers durable et pérenne» KANE Limam, Monza producteur de musique, fondateur du festival Assalamalekoum
Dans son entretien du jour, la plateforme Citizenlab a tendu son micro à KANE
Liman Monza, un acteur culturel mauritanien fondateur du festival
Assalamalekoum. Un festival qui a réuni dans son édition de 2022, 80 artistes
d’ici – d’ailleurs, et 30.000 spectateurs selon son promoteur. Début mars, KANE
Liman Monza, s’est entretenu avec le Ministre de la Culture, de la Jeunesse, des
Sports, et des Relations avec le parlement, Ahmed Sid’Ahmed DIE. Durant cette
rencontre les enjeux de la culture et la stratégie nationale de la jeunesse en
Mauritanie ont été au menu des discussions.
Citizen lab Mauritanie : Présentez vous au public de notre plateforme?
Je suis KANE Limam, Monza, Artiste et producteur de musique, fondateur du
festival Assalamalekoum et Coordonnateur de IKAM Mauritanie, premier centre
de ressources et de compétences créatives dans le pays, spécialisé sur les
industries culturelles et créative. Je suis membre du comité de liaison ONG-
UNESCO au nom d’Arterial Network que j’ai présidé de 2021-2023, exercice
intéressant qui m’as permit une meilleure connaissance des pouvoirs publics et
hautes institutions mais surtout de mieux servir notre continent et beaucoup la
région du Sahel , avec une meilleure compréhension et une veille sur les
politiques publiques africaines et mauritaniennes en particulier.
Citizen lab Mauritanie : A quel titre vous avez été reçu par le ministre ?
Au seul titre de Monza pour un échange de courtoisie sur sollicitation du
Ministre, via un ami et frère en commun qui estime que mon expertise et mes
réseaux pourraient l’aider dans la prospective d’une action d’ efficacité. Nous
nous sommes rencontrés au début du mois de Mars 2024.
Citizen lab Mauritanie : Il y a quelques jours vous été reçu par le ministère
de la culture de la jeunesse des sports et des relations avec parlement,
qu’est ce qui a motivé cette rencontre ?
C’est chose normale, il n’y a aucune motivation mais plutôt un sens de la
mission que je poursuis . Je suis animé par cette volonté de structurer le secteur
culturel mauritanien en impliquant l’ensemble des acteurs et en leur expliquant
pour qu’ils ou elles comprennent les enjeux. Il y’a des chantiers opératoires qui
demandent à y aller sans attendre et de partager l’information publiquement,
c’est ce que je fais. Il y’a de vrais enjeux pour la culture, et j’ai un rôle à jouer
sans attendre les retours car tous les acteurs ne rencontrent pas les décideurs .
J’ai vu passer plusieurs ministres de la culture et l’actuel comme tous les autres
aura passé son temps et accompli son mandat pour lequel il souhaite mon
soutien et ma contribution intellectuelle que j’accorde, volontiers, pas pour lui
mais pour mon secteur, et pour mon pays. Lui comme tout les autres, ont une
mission à durée déterminée car les Hommes passent et les institutions restent.
Nous autres, ne sommes qu’animé d’une volonté de bien faire comme son
excellence a exprimé sa volonté de parfaire.
Je suis optimiste pour cette dynamique d’ensemble, invisible, silencieuse mais
qui conduit à la formulation de textes, de lois et de réglementations qui s’installe
à petits pas. La structuration est obligatoire si on veut parler d’économie de la
culture, et définir le statut des acteurs des arts et de la culture ainsi que les
artistes comme des travailleurs reconnus avec des métiers définis et régis par le
code du travail : c’est plus que nécessaire car la principale faiblesse de la
Mauritanie pour réaliser son potentiel c’ est l’absence de cadre et de procédures
d’application d’une bonne gouvernance de la culture.
Citizen lab Mauritanie : Parlez nous de la stratégie
nationale de la jeunesse au menu de votre échange avec le ministre ?
Il s’agit de la nouvelle stratégie nationale de la jeunesse que son excellence s’est
attelé à élaborer avec ses collaborateurs. Le ministère pourra vous donner les
détails. Moi je ne les ai pas encore. Il faut néanmoins noté que le programme
triennal Passeport Jeunesse de Assalamalekoum avait un volet qui avait été
intégré dans la stratégie précédente et avait permis de réaliser la première
assemblée générale de la jeunesse en décembre 2023 à la région de Nouakchott
débouchant sur l’élection de différentes coordination communale des jeunes
dans 9 Moughataa de la région.
Comme le dit Paul Eluard, le tout est de tout dire. Pour ma part, je pense
profondément que le défi de jeunesse en Mauritanie se trouve confronté à
plusieurs paradoxes pour lesquels, clairvoyance et innovation permettent de
rétablir un équilibre propice à la concertation, au dialogue afin de répondre à
l’un des enjeux fondamentaux de notre unité nationale : promouvoir l’identité
nationale plurielle dans l’équité dans l’espace et les ondes publiques. Cela va de
soi et incombe aussi de faciliter et placer la femme mauritanienne au cœur de la
promotion des jeunes et de l’emploi. Cette démarche pourrait participer à la
stabilisation économique et la démocratisation afin de contribuer à la réalisation
de garantis de droits des femmes en République Islamique.
Quand la politique publique s’entête sur des priorités telles que la sécurité ou la
croissance économique sans se soucier des problématiques migratoires qui
amputent notre pays de sa Jeunesse, qui par frustration en devient la principale
cible , il est important de redéfinir le questionnement sur la pertinence de
l’action publique qui doit interpeller la nécessiter d’une refondation.
Lorsque les espaces sont criards de contenus et que les acteurs emboîtent le pas
aux politiques publiques, trop lente à répondre à la demande des artistes et des
publics orpheline de toute offre artistique de qualité, il apparaît nécessaire de
diagnostiquer les besoins.
La nouvelle stratégie nationale de la jeunesse pourrait contribuer et je le pense,
à l’ancrage des communautés dans leur territoire et favorise l’émergence des
jeunes par le renforcement des capacités en participant au développement du
potentiel humain, l’esprit d’entreprise et la projection économique dans un
univers durable et pérenne.
Citizen lab Mauritanie : Quel rôle vous jouez dans la mise en œuvre de cette
stratégie ?
Je participe à la réflexion collective et donne mon avis sur les priorités et les
mesures d’orientations stratégiques. Je joue mon rôle en étant force de
proposition et en partageant mes expériences dans la sous région et ailleurs ainsi
que le rappel des bonnes pratiques.
Citizen lab Mauritanie : Quels sont les axes prioritaires de cette stratégie ?
Je ne saurai dire quel est la priorité fixée par l’état sur cette action mais de
mon point de vue, la jeunesse mauritanienne, est synonyme de “potentiel”;
“dynamisme”, “espoir”, “avenir” mais aussi sonne l’alarme de : “chômage”,
“frustrations”, “colère “, “drogue”, immigration irrégulière et “radicalisation”,
ainsi que le rejet des institutions étatiques ”. Bien que la jeunesse ne soit pas
toujours impliquée dans les discussions politiques ou les prises de décision au
haut niveau , il est largement reconnu que les jeunes mauritaniens sont au cœur
du développement, porteurs à la fois d’opportunités et de défis.
Il est essentiel de répondre de manière appropriée aux attentes et projets de cette
jeunesse afin de favoriser leur intégration dans la société mauritanienne,
africaine et mondiale. Pour cela il faut un cadre laboratoire libérateur du
potentiel qui ne pourra se réaliser que si l’environnement est adéquat avec des
infrastructures de qualité et des programmes d’appui et d’accompagnement dans
des domaines transversaux définis avec eux et non pour eux par d’autres. C’est à
la jeunesse de définir ses aspirations et c’est ce que nous avons fait avec
passeport jeunesse à notre petite échelle.
Citizen lab Mauritanie : Quels sont les engagements du ministre pour son
exécution ?
Allez lui poser la question. Le seul engagement que j’aurai perçu de notre
rencontre c’est une volonté de parfaire d’après son propre constat. Je suis
optimiste quant à son engagement pour améliorer le secteur : la preuve, un projet
de décret instituant le statut des professionnels des arts et de la culture est en
cours d’élaboration. C’est déjà une grande avancée et on continue…
Citizen lab Mauritanie : En homme de culture vous avez parlé aussi des état
généraux de la culture, quels sont les points soulevés à ce sujet ?
Les états généraux de la culture sont une étape nécessaire pour passer en revue
les défis et les enjeux de formalisation des métiers et bien au delà d’instaurer
définitivement un cadre réglementaire qui régit les différents métiers de la
culture en accordant une grande place pour la spécialisation. À la base c’est une
initiative de Assalamalekoum Cultures qui conduit à l’engagement du Conseil
international de la musique pour conduire collectivement les premiers travaux
spécifiques aux état généraux de la musique mauritanienne. C’est en ce sens que
son excellence M. Ahmed sid’Ahmed DIÉ aurait exprimé tout l’intérêt de porter
les états généraux de la culture et d’autres actions à l’instar de la semaine
nationale de la culture pour valoriser toutes les autre filières et de travailler
collectivement à leur structuration. Nous avons donc du pain sur la planche.
Citizen lab Mauritanie : Quelles sont les perspectives pour la jeunesse au
terme de cette visite ?
La perspective à très court terme à mon avis c’est la validation de la nouvelle
stratégie de la jeunesse en cours d’élaboration, sa validation ainsi que sa mise en
application. De mon point de vue, ils y’auraient de belles opportunités avec le
nouvel accord programme de l’AFD (Agence Française de Développement)
avec le gouvernement mauritanien d’un montant de 19,3 millions d’euros pour
la jeunesse, la culture et le sport avec les perspectives d’un sursaut national
pour les jeunes et les professionnels du sports et de la culture. Il y’a lieu de s’en
féliciter et reconnaître les avancées de la coopération France – Mauritanie sur ce
volet .
Cependant il est important de veiller à ce que les objectifs fixés par cette
convention cadre soient atteint avec l’implication et le concours de toutes les
parties prenantes. Je demeure optimiste après cette rencontre avec le ministre
mais surtout de la dynamique de fédération des acteurs en pleine ébullition grâce
à la coordination des acteurs culturels de Mauritanie qui a entamé un travail
véritable de concertations et de co construction pour un future immédiat et
structuré.
Il est important que le secteur privé, le patronat et surtout les entreprises
minières et ainsi que les banques et les opérateurs téléphoniques activent de
façon transparente leur responsabilités sociale en accompagnant la culture et le
sport de façon significative et réelle, ouvrant ainsi de meilleures perspectives
pour le mécénat. C’est en cela que l’état a un rôle de pression à jouer pour
mettre ces entreprises détentrices de la masse économique devant leur
responsabilité face à l’entrepreneuriat accru des jeunes et des femmes.
Propos recueillis par Awa Seydou Traoré